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vendredi 17 août 2012




Body Kouros par Yves St Laurent



Corps d'homme, âme de dieu


Troy de Wolfgang Peterson
     Ce matin, en me levant, les paupières mi closes et encore alourdies par le sommeil, les souvenirs du film vu la veille me revinrent en tête. « Déjà ! » me direz-vous ? et bien oui, lorsque l’on visionne  Beowulf de Robert Zemeckis il faut se préparer à quelques réminiscences impromptues. L’une de ces dernières, et non des moindres, fut  l’image du guerrier viril et brave, le type qui comme on le dit souvent « sent des aisselles » et n'hésite pas à se jeter dan la mêlée dès lors que son honneur est en jeu. Ce n'est qu'une fois devant ma tasse de thé qu’une question se forma dans mes pensées jusqu’à en devenir entêtante car à la fois amusante et  intrigante : et si Achille et Hector avaient  porté un de nos parfums modernes, lequel auraient-ils fièrement arboré ?


     Ce jeu tombait bien puisque justement, après une lecture assidu du blog Auparfum.com, je m’étais fais une liste de parfums dits « virils » à essayer. Curieux, je me rends à Sephora pour demander d’essayer Body Kouros par Yves Saint Laurent. Un pschit sur le poignet, un autre sur une bande. Première claque olfactive dès les premières vapeurs parvenues à mes narines attentives : moi qui m'attendais à quelque chose de musqué dès le départ, je découvre des agrumes et des épices qui donnent un caractère vif et frais à ce parfum. Je pense à la cardamome ou à la noix de muscade, ce que la vendeuse me confirme en me mentionnant le macis qui n'est autre que l'écorce de la noix de muscade. Pour faire ce parfum, le concepteur, Annick Ménardo, a opté pour l’utilisation d’une molécule au nom fort laid de Dihydromircénol, qui a pour qualité d’engendrer une sensation rafraîchissante et vivifiante ( la "Nouvelle fraîcheur") en note de tête. Il est bon de soigneusement la doser puisque trop donnera une impression de savonnette et d’homme trop propre sur lui, ennuyeux en gros, alors qu’utilisée à juste dose elle servira de booster d’agrumes. Rien d’étonnant à ce que cette fraîcheur soit renforcée par de l’eucalyptus, très  léger, caresse des plus rafraîchissante.  


     Bon….bien qu’il soit très agréable, pas de quoi casser trois pattes à un canard. C’est frais et épicé comme beaucoup d’autres…. Pourtant tandis que je parle à la vendeuse, au bout de quelques minutes je perçois autre chose ; quelque chose que je n’avais pas l’habitude de rencontrer dans un parfum bien que j’en eus entendu parler de nombreuses fois : ca sentait  le tabac, le musc et l’asphalte chaud. Tout de suite ma mémoire me balance des images d’un garagiste se lavant les mains avec son savon noir pour retirer l’huile qui englue ses mains, de spartiate reprenant son souffle après une bataille, et de peau chaude véhiculant ses fragrances musquées. De la saleté, la sueur d’un corps éprouvé et encore brûlant d’effort. Ce caractère provient de l'harmonisation de la lavande avec l'encens et la cannelle. La fusion donne ce trait à la fois puissant, chaud, enivrant, presque saisissant de part sa présence, et vaporeux, éthéré comme l'air sec et lourd d'un temple.

    Malgré ce caractère plus masculin et offensif, l’ensemble garde malgré tout une certaine rondeur  grâce au benjoin qui apporte finalement à la composition une facette plus vanillée, crémeuse et chaude sans pour autant rendre le parfum lourd et épais. Le final fait basculer dans un univers où s’entremêle les vapeurs capiteuses de l’encens, du bois de Santal et la fève tonka qui confère une touche poudrée intime et chaude qui s’allie à merveille avec le caractère éthéré, vaporeux, fumé et sombre que laisse le parfum de ce dieux terrestre.

Yves Saint Laurent voulait un "dieux vivant au corps de conquérant" Body Kouros  répond à cette ambition. Il faut s’imaginer Heraclès le portant, la peau perlant de sueur et couverte de saleté, résolument terrestre mais néanmoins pourvu d’une aura divine, éthérée, sacré qui rappelle quelques temples ou autels dédiés aux divinités (santal, encens, caractère fumé).  Le Kouros, Kouroï aux pluriels, était une statue de la Grèce archaïque ( encore fortement influencée par l’Egypte dont elle s'inspirera pour ses statues) qui présentait le corps nu d’un éphèbe, rigide et droit comme une lance mais dont les formes sculpturales étaient un véritable éloge à la force et la puissance du corps de l’homme. Cet éloge est rendu par le parfum qui oscille entre la force conquérante et rassurante (lavande, agrume, fraîcheur, fumé) et la sensualité chaleureuse de l’Orient (fève tonka, benjoin, cèdre).
Parfum des contrastes qui glisse de la fraîcheur ( agrume et eucalyptus) à la vapeur  presque étouffante (santal, encens), de l'éthéré vaporeux (encens) à la force plus terrestre (musc), de la virilité (fumé, lavande) à la force apaisée (benjoin). Plutôt qu’à un dieu, c’est à un demi-dieu, être des contrastes et de toutes les forces, qu’il devrait être destiné.

Notes de tête : muscade, eucalyptus, anis étoilée
Notes de coeur : encens, lavande, oeillet, cannelle
Notes de fond : benjoin, caramel, fève tonka, santal


Kaieros